Vainqueur ou vaincu, surtout vaincu, ne laisse à quiconque le soin d’écrire ton histoire. Sinon à la douleur de la douleur s’ajouteront celles de l’oubli et du mensonge….

Publié le 24 Août 2014

"Vainqueur ou vaincu, surtout vaincu, ne laisse à quiconque le soin d’écrire ton histoire. Sinon à la douleur de la douleur s’ajouteront celles de l’oubli et du mensonge…."

 

Ces mots si puissants, tirés du dernier roman de Gary Victor, Banal Oubli, m’ont secouée avec une telle force, qu’ils m’ont réveillée de ma torpeur et m’ont obligée à prendre conscience d’une chose. De ma mission. Vainqueur ou vaincu, j’ai pour devoir d’écrire ma propre histoire, heureuse ou triste, quels que soient la forme qu’elle emprunte et le lieu dans lequel elle se déroule. Histoire que par moment je veux garder dans mes secrets. Secrets, que je dois enfouir à tout jamais dans ma mémoire de peur de mourir de honte, de révéler mon impuissance, d’assumer ma défaite. Secrets de vaincue, d’éternels rêves, de rêves interdits. J’ai enfin compris que, la complexité de cette tâche, exige que cette responsabilité ne soit déléguée à personne si l’on ne veut pas rater l’objectif principal. Parler de soi ne peut être à la charge des autres. L’autre risquerait par oubli, ou par ignorance, d’omettre certains détails qui pourtant sont l’essence même de l’histoire. Et l’on ne sera plus soi, sinon la créature de l’autre. Une autre existence, une fausse opinion. Un mensonge. C’est donc ce qui me résolut à continuer à écrire au quotidien, les émotions qui me traversent, éléments clés de mon histoire, en commençant par ce qui suit. La peur d’être oubliée si on ne me crée pas et surtout la peur d’exister sous la plume d’un autre, la peur d’être fausse. La peur de ne jamais exister.

 

Je ne dirai pas ton nom, je veux encore préserver quelques secrets. Je ris de moi à l idée de vouloir les garder, à vouloir créer un mystère que tu finiras par percer. Quelle ironie ! En choisissant d’écrire mon histoire, j’ai indirectement choisi de dévoiler tous mes secrets, qui seront bien sur dispersés dans mes écrits. Alors je continue. Aujourd’hui j’ai écouté ta chanson, le seul refrain que tu ne cessais de fredonner. Je l’ai reconnue car je l’ai apprise par cœur ; tu l’aimais trop pour qu’elle m’ait laissée indifférente. J’ai tout revu, et j’ai tout vécu à travers les images restées intactes dans ma mémoire. Je n’ai pas pleuré non pas par envie mais parce que j’avais décidé de ne plus verser une seule larme à tes souvenirs. Depuis toi, l’histoire n’a pas cessé de recommencer et je ne veux pas souscrire mes larmes à ces rendez vous d’amour raté. Mais cependant j’ai été mélancolique, je ne cesse de me demander comment nous serions aujourd’hui s’il n’y avait pas telle ou telle chose ou si ceci n’avait pas fait cela. Et j’en passe. C’est le genre de pensée auquel je n’ai plus droit. Le genre de pensée qui me force à accepter ma situation de vaincue. D’une double défaite. Je n’ai pas su t’oublier. Je n’ai pas su te remplacer. Toi, double fois vainqueur. Vainqueur d’un combat que tu ignorais sans doute. Maintenant je m’en fous pas mal de ce que tu pourras ressentir quand tu te reconnaitras dans mes écrits. Fierté de macho, regrets, compassion, haine ou pas, amour -pourquoi pas-, je ne m’arrogerai pas le droit d’écrire ton histoire, même par vengeance, car la mienne me suffit.

 

Alors j’en reviens à mon histoire. Au fait ma mélancolie découlait en quelque sorte de mon incapacité à me livrer à ceux qui me tendaient la main, et qui peut être, mettraient mes pires folies et mes pires sottises sur le compte de la sainteté. De la sainteté ou de quelque goût du droit, du juste. Ils étaient nombreux. Et quel que soit leur âge, la catégorie à laquelle ils appartenaient, ils avaient un objectif commun. Moi. Et ce moi tant convoité prenait diverses formes, tantôt il devait être psychologue pour les proches, l’amie de toujours, la confidente, pour les esprits moins avisés, une mère conseillère. Et pour les pervers sans aucun scrupule, je n’étais plus qu’une jeune chair fraiche qu’ils avaient envie de sauter et qui ce faisant, devait leur rendre une jeunesse perdue, il y a plus d’un quart de siècle. Pas la peine de dire que de tous les rôles, celui-là je le détestais le plus, car il me mettait hors de mes gongs. Et chaque fois que j étais approchée en ce sens, je recevais une gifle en plein visage. Je ne m’attarderai donc pas à parler de ceux là, car je les aurais chassés volontiers pour les empêcher de cracher leur venin sexuel sur les jeunes filles de mon âge, pour la plupart déjà rongées par cette maladie.

 

Je me limiterai seulement à parler de ceux dont le désir reflète encore une certaine innocence, une quelconque vertu qui facilite la camaraderie, et qui pourtant finit par constituer un obstacle à toute relation amoureuse future. Et je me fâche contre la nature que par moment je trouve si injuste. Pourquoi toi ? Pourquoi est ce toi qui dois m’aimer? Et pourquoi est ce moi que tu dois aimer ? Ce sont les grandes questions qui me ravagent et auxquelles je n’essaie plus de trouver réponse. Si j écoute cette rage que je ressens, je finirai par écrire ton histoire. Et tel n’est pas mon but. Avec toi, je veux avoir ce que l’on a toujours eu, je veux continuer à te raconter mes déboires avec tes frères. Je veux continuer à te parler de ces amours fous, desquels je finis toujours par m’abstenir, je veux te parler de ceux dont seulement les noms me font frémir, de celui qui hante mes nuits, et de celui dont le regard perçant saura mettre mon âme à nue, et dont l’étreinte aura libéré ma mémoire de ces nuits de solitude et de mélancolie. Je veux te raconter mes rêves dont tu ne fais pas partie. Et c’est ce qui me tue. Pour toi je suis l’idéal, et je suis désolée de t’apprendre que moi, la femme de tes rêves, a tout comme toi, le rêve hanté par quelqu‘un d’autre. Des fois les traits sont flous, et des fois ils se distinguent clairement et, sans surprise aucune ils ne correspondent jamais à ceux de ton visage. Je m’en veux mais je ne peux rien. Je suis désolée pour cette souffrance que je t’ai si longtemps infligée. Mais je m’en veux surtout parce qu’au fil des jours, tout ce que j’avais si soigneusement bâti avec toi devra s’écrouler sous le poids de ta jalousie. Pardonne-moi si je ne t’aime pas en retour. Celui que j’aime n’a ni visage, ni nom, ni lieu car il tarde à exister, à se réincarner…

 

 

Chrisla Joseph

15 Juin 2009

 

Rédigé par Chrissy JD

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article